LES ALPHABÊTISES De petits exercices de style qui, comme l'indique leur nom désuet, consistent tout simplement à écrire des textes en suivant l'ordre alphabétique. La première phrase commmence par A, la deuxième par B... Si le principe vous inspire, n'hésitez pas à m'en , je les mettrai en ligne. |
Accusé Médor >
«Accusé Médor, levez-vous !
Brièvement, je rappelle que vous êtes poursuivi pour avoir chatoyé votre supérieure hiérarchique, Mme Minette, ce qui est contraire au règlement intérieur de votre entreprise. Comme vous le savez et comme il l’est explicitement mentionné dans votre contrat, le chienvoiement est de rigueur lorsqu’un subordonné s’adresse à une personne d’un rang professionnel plus élevé. De plus, le fait que Mme Minette, la plaignante, soit numéro quatre dans l’organigramme de la société et par-là membre du Haut Conseil Décisionnaire d’Administration constitue une accablante circonstance aggravante. En effet, sa position demande que l’on témoigne à Mme Minette une déférence particulière. Faute de temps, car cette année encore le budget reste insuffisant, la cour ne peut entendre la défense et c’est pourquoi je me sens enclin à l’indulgence. Greffier, veuillez noter que cet homme est condamné à six ans de travaux d’intérêt général. » Haletant, le juge Hermine s’apprêtait à abattre son petit marteau sur la capsule de bière disposée de manière à produire les coups secs et percutants qu’il affectionnait pour la solennité qu’ils ajoutaient au moment, lorsqu’un groupe d’hommes cagoulés fit irruption dans le tribunal. « Inutile de résister ni de tenter quoi que ce soit ou ça pourrait saigner, bande de steaks. J’en vois un qui bouge, je tire dans le tas. » Kalachnikov en bandoulière, deux hommes s’emparèrent du juge, qui cherchait à attirer l’attention de Xavier et Walter, les deux agents de sécurité, et le firent descendre de l’estrade sur laquelle il trônait. Lestement, un troisième enleva ses menottes à Médor. Madame Minette, qui avait hurlé de terreur pendant un moment, s’évanouît en voyant un des hommes lever sur elle la crosse de son arme. « Nous sommes ici pour dénoncer la justice inique de ce pouvoir et ce n’est que le début d’un vaste mouvement de renversement de ce gouvernement pourri jusqu’à la moelle ! Observez bien nos insignes car elles flotteront demain sur tout le territoire. Pour Zappatapouf, nous lutterons jusqu’à la mort ! » « Que faire ? gambergeait Médor. Réfléchissons ! Si je pouvais, en me retournant brusquement, neutraliser celui-ci et prendre sa mitraillette, les autres pourraient agir de même en profitant de la surprise et je serais un héros et la cour me gracierait... » Tentant le coup, il envoya une manchette au plus proche des révolutionnaires, lui déboîtant la mâchoire bruyamment. Un instant, tout le monde se regarda l’air affolé, puis un déluge de balles envahit la salle. Voyant, qu’il n’arrivait pas à arracher la mitrailleuse des mains de son adversaire et le danger que représentait la fusillade, Médor se jeta à terre au fond de son box. Walter et Xavier canardaient eux aussi, abrités derrière le banc des avocats, visant soigneusement. Xavier, déjà blessé à mort, fut le dernier à faire feu et lorsque la fumée fut retombée et que Médor se mit debout, l’audience était silencieuse comme un noyé. « Y’a plus que des cadavres, constata-t-il. Zut, raté. » |